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Entretien avec la CNAPE, à La Paz

 

Le 12 février nous avons rencontré à La Paz le président de la CNAPE (Consejo Nacional de Producción Ecológica). Nous avons décidé d’écrire un article pour décrire cette organisation nationale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le contexte de la création de la CNAPE

 

Le thème de l’agriculture biologique n’est pas nouveau en Bolivie. En effet, l´Association des Organisations des Producteurs Ecologiques en Bolivie promeut le développement de la production écologique depuis 1991. L’AOPEB soutient ainsi le développement d’une agriculture respectueuse de l’environnement et lutte pour le respect des cultures andine-amazoniennes. L’AOPEB propose également des normes nationales, elle est ainsi à l’origine de la Loi 3525. En effet, avec le changement de gouvernement et surtout l’arrivée du président indigène Evo Morales, le contexte change. Evo Morales se voulant défenseurs des petits agriculteurs et désirant promouvoir l’agriculture biologique promulgue en 2006 la Loi 3525 de « régulation et promotion de la production agro écologique et forestière écologique  » (Ley  de Regulación y Promoción  de la Producción Agroecológica y Forestal No Maderable Ecológica).

 

Cette loi ordonne alors la création de la CNAPE : Consejo Nacional de Producción Ecológica, une instance dans laquelle intervient à la fois des institutions publiques, privées, et universitaires. Le ministère du développement durable et de la terre est à la tête de cette organisation. 

Sont créés également des comités de production écologique qui seraient les instances représentatives au niveau départementale et régionales.

Malgré la promulgation de loi en 2006, le travail sur le projet de la CNAPE ne commence réellement qu’en 2006 grâce à une nouvelle coopération avec  l’Espagne et la FAO.

L’UC-CNAPE promeut la définition de politiques, de stratégies et de normes pour le développement de l’agriculture écologique en Bolivie. Pour cela elle génère l’accroissement de la production et de la consommation de produits écologiques en priorisant l’agriculture familiale durable et en mettant l’accent sur la commercialisation nationale.

 

La CNAPE a aidé à l’établissement de la souveraineté alimentaire en Bolivie et à la durabilité des systèmes agricoles grâce à la mise en place de différentes structures qui interagissent entre elles et permettent de renforcer la production écologique, la gestion des connaissances tout en respectant l’équité hommes femmes. La CNAPE favorise ces interactions par l’organisation de foires de produits écologiques. De plus, la CNAPE travaille avec les mairies pour les encourager à faire leurs achats publics sur les marchés biologiques.

Aujourd’hui la CNAPE est confrontée à divers problèmes qui freinent la mise en application de tous les programmes : une promotion encore trop faible de l’agriculture biologique et une demande faible.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les nuances

 

Après nous avoir si bien expliqué tout le programme de fonctionnement de la CNAPE et de ses différentes structures, Delfin Cuentas, le président prend la parole : “ Le projet de la CNAPE est très intéressant, mais il y a quand même une certaine frustration que je ne peux vous cacher…”

Il nous explique que le gouvernement d’Evo Morales est en voie de faire passer une loi autorisant les OGM. Nous sommes très surprises. Comment peut-on promulguer une loi pour l’agriculture biologique et familiale, définir tout un programme, créer des structures, employer des fonctionnaires, si c’est  pour en parallèle faire un contre pas en autorisant les OGM ?

Nous nous sentons à notre tour frustrées, même un peu trompées.

Tout le programme de la CNAPE est dans l’idéal très encourageant, très intéressant. Cependant, dans la réalité, le jeu politique prend le dessus et rend ce programme quasiment dénué de sens. En effet, autoriser les OGM en plus d’être dangereux pour la biodiversité et la santé des consommateurs favoriserait l’agriculture extensive au détriment d’une petite agriculture familiale qui n’aurait que trop peu de ressources pour se procurer les semences transgéniques.

On arrive alors à l'objectif inverse du programme de la CNAPE…

Au  moins, cet exemple de paradoxe dans le jeu politique nous sert de leçon. Il ne faut pas se satisfaire des programmes annoncés par les grandes institutions publiques, il faut toujours voir en profondeur si celui-ci peut réellement fonctionner, s’il est pour cela, en accord avec les autres décisions du gouvernement.

 

ZOOM Sur l’Agriculture familiale

 

L’année 2014 a été proclamée année de l’agriculture familiale. Nous aimerions, au vu de ce que nous avons appris à la Paz, vous donner quelques informations capitales sur l’agriculture familiale montrant son importance actuelle et son rôle à jouer dans l’avenir. En effet souvent se pose cette question géoéconomique : comment nourrir  9 milliards d’homme ?

Nous pensons que l’agriculture familiale a un grand rôle à jouer.

 

 

 

 

 

 

 

 

Malgré de grandes avancée réalisées au niveau mondiale pour la lutte contre la pauvreté ces 40 dernières années, l’inégalité reste un problème considérable tant entre les différents pays, qu’aux niveaux nationaux et ce peu importe le niveau de richesse des pays. Environ 850 millions de personnes dans le monde souffrent de la faim, 1.47 million se trouvent en Amérique latine et centrale. De plus selon la FAO, en 2050 la population mondiale représentera 9 milliards d'individus qui aura besoin d'environ 65% d'aliments en plus qu'aujourd'hui. Ces 65% représentent 120 millions d'hectares additionnels  se trouvant surtout  en Afrique, Asie et Amérique latine (Bartra, 2011).

Partant de ce constat les systèmes agroalimentaires sont confrontés à trois grands défis selon Marcelo Arandia Alarcon, rédacteur pour OXFAM: la sécurité alimentaire mondiale, une répartition juste, la durabilité environnementale, la capacité de résistance face aux changements climatiques et économiques. Dans ce contexte il est alors très intéressant de remarquer que 2 milliards d'hommes et de femmes produisent 70% de la nourriture mondiale  (FAO,2011).

 

L’Agriculture familiale constitue un modèle stratégique pour répondre aux défis des systèmes agroalimentaires évoqués plus haut. En effet, avec des investissements nationaux plus importants, il privilégierait le renforcement de la sécurité alimentaire, tout en permettant une répartition plus juste, en respectant l'environnement et en réduisant la pauvreté. La croissance dans le domaine de l'agriculture familiale aurait des répercussions deux fois plus importantes sur la pauvreté que la croissance dans n'importe quel autre secteur. De plus les femmes, qui représentent aujourd'hui une grande partie de l'agriculture familiale seraient davantage mises en valeur. En effet, selon la FAO les femmes apportent 43% de la main d'œuvre agricole dans les pays en développement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Malheureusement, malgré le potentiel stratégique de ce modèle, l’agriculture familiale a été trop souvent oubliée  par les politiques agraires nationales et même défavorisée par les dépenses agricoles favorisant l’agriculture extensive. En Amérique latine et caraïbe, les petits producteurs répondent à 60% de la demande alimentaire de la même région. Cependant, seulement entre 1% et 5% des dépenses totales nationales sont destinées à l’agriculture, cela représente à peine 0.1% à 1% du PIB des pays concernés.

 

Il reste donc encore beaucoup à faire pour que l’agriculture familiale et paysanne profite des dépenses publiques de la même manière et même davantage que les autres producteurs. Surtout en Amérique du Sud où l’on a favorise l’exportation de produits agricoles spécifiques (sojas, café, sucre) au détriment d’autres aliments. Et, ces exportations sont dominées par les grandes exploitations agricoles et l’agrobusiness. Cette extraversion agricole limite donc la participation de la petite agriculture aux exportations en plus de modifier la culture alimentaire au détriment de l’agriculture familiale. Par exemple, l’agrobusiness et la mondialisation ont presque éradiqué le quinoa de la consommation des boliviens alors que la qualité nutritive de l’aliment est très importante et que les capacités de productions dans les régions sont énormes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conclusion 

 

L’année de l’agriculture familiale a permis la création de plusieurs organismes d’état un peu partout dans le monde prêts à favoriser l’agriculture familiale, mais cela n’est pas suffisant. Les politiques publiques restent souvent inadéquates à la mise en valeur et à la protection de l'agriculture familiale, les difficultés pour accéder au marché persistent et les femmes restent reléguées au second plan, peu de reconnaissance leur est accordée.  Selon le directeur de la CIPCA, si ces conditions persistent nous n'arriverons à aucun changement significatif dans la lutte contre la faim et la misère au niveau mondial, et les petites agricultures seront les premières victimes. Des changements sensibles sont donc nécessaires : l'accès et la gestion durable et productive des terres, l'accès aux marchés, davantage d'investissements, de politiques publiques, de normes. C'est dans ce contexte que la société civile demande l'extension de l'année de l'agriculture familiale à une décennie afin d'encourager et d'arriver à ces changements.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sources 

 

  • La Agricultura Familiar Campesina, al centro de la mesa de Justicia Economica, Marcelo Arandia Alarcon-Oxfam

  • La Agricultura Familiar, más alla del Ano Internacional Lorenzo Soliz Tito, Directeur Général de CIPCA

 

 

 

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